Capsulite rétractile

Docteurs Agout, Commeil & Lavignac

Introduction

La capsulite rétractile, ou « épaule gelée » (frozen shoulder), est une affection caractérisée par une inflammation suivie d’une fibrose de la capsule articulaire gléno-humérale. Elle entraîne une douleur insidieuse puis une raideur globale, touchant aussi bien les mobilités actives que passives.
Sa prévalence est estimée entre 2 et 5 % dans la population générale, avec une prédominance féminine entre 40 et 60 ans [Zuckerman & Rokito, 2011]. Chez les diabétiques, la prévalence peut atteindre 10 à 20 % [Wang et al., 2016].

Physiopathologie

L’évolution se déroule en trois phases successives :

  1. Phase douloureuse (freezing) : douleurs progressives, souvent nocturnes.
  2. Phase de raideur (frozen) : diminution marquée des amplitudes articulaires.
  3. Phase de récupération (thawing) : amélioration progressive, parfois incomplète.

Sur le plan histologique, on observe :

  • une hypervascularisation synoviale,
  • une infiltration inflammatoire,
  • une fibrose capsulaire, notamment dans la région antéro-inférieure et l’intervalle des rotateurs [Bunker, 1997].

Un aspect psychologique est également impliquée dans la capsulite rétractile. La capsulite est alors un mécanisme de défense face à une agression physique ou psychique (réaction de protection de l’organisme) entraînant une « mise au repos » forcée de l’épaule, déclenchée ou aggravée par le stress chronique ou un traumatisme émotionnel [Lewis, 2015 ; Minghelli, 2019].

Étiologies et facteurs de risque

  • Capsulite primitive (idiopathique) : sans cause identifiée.
  • Capsulite secondaire :
    • Post-traumatique (fracture, luxation).
    • Post-chirurgicale (réparation de coiffe, stabilisation).
    • Associée à une rupture de coiffe ou à une tendinopathie chronique.

Facteurs de risque établis :

  • Diabète (jusqu’à 20 % des cas).
  • Dysfonction thyroïdienne.
  • Pathologies neurologiques (AVC, Parkinson).
  • Immobilisation prolongée.
  • Stress ou surcharge psychologique.

Diagnostic clinique

  • Douleur spontanée, souvent antéro-latérale, aggravée la nuit.
  • Raideur globale, touchant particulièrement la rotation externe.
  • Mobilité active = passive (critère clé).

Imagerie

  • Radiographie standard : souvent normale, permet surtout d’éliminer arthrose ou calcification.
  • IRM / arthro-IRM : épaississement capsulaire et réduction du récessus axillaire [Emig et al., 1995].
  • Échographie : utile pour rechercher une lésion de coiffe associée et guider les infiltrations.

Traitement

1. Traitement médical

  • Antalgiques :
    • Paracétamol en première intention.
    • Association à des antalgiques de palier II (tramadol, codéine) si douleurs importantes.
  • Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) :
    • Peuvent être proposés sur de courtes périodes, surtout en phase initiale douloureuse.
  • Infiltrations de corticoïdes intra-articulaires :
    • Indiquées principalement dans la phase douloureuse.
    • Elles réduisent la douleur et accélèrent la récupération de mobilité [Buchbinder et al., 2004 ; Sun et al., 2016].
    • L’efficacité est maximale lorsque l’infiltration est réalisée sous guidage échographique, garantissant le geste intra-articulaire.
    • Une à trois infiltrations peuvent être nécessaires, espacées de 3 à 4 semaines.

2. Rééducation fonctionnelle

La rééducation est indispensable mais doit être adaptée à la phase évolutive :

  • Phase douloureuse :
    • Mobilisations très douces, exercices pendulaires.
    • Objectif = limiter l’inflammation et entretenir les amplitudes sans douleur.
  • Phase de raideur :
    • Mobilisations passives et actives aidées, progressives.
    • Exercices posturaux et d’étirement, respectant toujours la tolérance douloureuse.
    • Travail de la scapula pour compenser la perte gléno-humérale.
  • Phase de récupération :
    • Renforcement musculaire progressif.
    • Exercices actifs contre résistance pour restaurer la fonction.

La pédagogie du patient est essentielle : il doit comprendre que la récupération sera lente, mais généralement favorable, et que la régularité des auto-exercices est déterminante.

3. Arthrodistension (hydrodilatation)

  • Réalisée sous échographie ou scopie.
  • Consiste à injecter un volume de sérum physiologique sous pression dans la cavité articulaire associé à une infiltration de corticoïde.
  • Permet un étirement mécanique de la capsule et une diminution rapide de la douleur.
  • Plusieurs études montrent une amélioration significative des amplitudes et de la fonction [Cho et al., 2016 ; Jacobs et al., 2009].

4. Prise en charge psychologique

La capsulite rétractile s’inscrit fréquemment dans un contexte de stress chronique, d’anxiété ou d’événement de vie difficile.

  • Un accompagnement psychologique peut aider à réduire la perception douloureuse et améliorer l’adhésion au traitement.
  • Les approches les plus utiles sont :
    • Thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : pour gérer la douleur chronique et l’anxiété.
    • Techniques de relaxation et méditation de pleine conscience : efficaces pour réduire la tension musculaire et la perception de la douleur.
    • Éducation thérapeutique : informer le patient sur l’évolution naturelle favorable, réduire la crainte et le catastrophisme.

Une approche biopsychosociale intégrant le corps et l’esprit permet souvent d’améliorer plus rapidement la récupération fonctionnelle et la qualité de vie.

Pronostic

  • Récupération spontanée dans la majorité des cas, en 12 à 24 mois.
  • Raideur séquellaire dans 10–20 % des cas (souvent rotation externe).
  • Moins bon pronostic chez les patients diabétiques ou en contexte de stress psychologique.

Conclusion

La capsulite rétractile est une affection fréquente, douloureuse et handicapante, mais généralement auto-résolutive.
La prise en charge repose sur un traitement médical (antalgiques, infiltrations), associé à une rééducation adaptée et progressive.
L’arthrodistension constitue une alternative efficace en cas de résistance.
L’intégration de la dimension psychologique et psychosociale est essentielle pour accompagner le patient, réduire l’anxiété et favoriser l’adhésion au traitement.

Références

  1. Minghelli B. Psychosocial factors and musculoskeletal disorders: a review. Acta Reumatol Port. 2019;44(1):1–10.
  2. Zuckerman JD, Rokito A. Frozen shoulder: a consensus definition. J Shoulder Elbow Surg. 2011;20(2):322–325.
  3. Bunker TD. Frozen shoulder: unravelling the enigma. Ann R Coll Surg Engl. 1997;79(3):210–213.
  4. Emig EW, Schweitzer ME, Karasick D. Adhesive capsulitis of the shoulder: MR diagnosis. Skeletal Radiol. 1995;24(5):365–367.
  5. Buchbinder R, Green S, Youd JM. Corticosteroid injections for shoulder pain. Cochrane Database Syst Rev. 2004;(1):CD004016.
  6. Sun Y, Lu S, Zhang P, Wang Z, Chen J. Steroid injection versus physiotherapy for adhesive capsulitis: a meta-analysis. Medicine Baltimore). 2016;95(20):e3469.
  7. Cho CH, Bae KC, Kim DH. Efficacy of hydrodilatation with corticosteroid in adhesive capsulitis: randomized controlled trial. J Shoulder Elbow Surg. 2016;25(3):376–382.
  8. Jacobs LG, Smith MG, Khan SA, Smith K, Joshi M. Manipulation or intra-articular steroid injection in frozen shoulder: prospective randomized trial. J Shoulder Elbow Surg. 2009;18(3):348–353.
  9. Wang K, Ho V, Hunter-Smith DJ, Beh PS, Smith KM. Risk factors for frozen shoulder in diabetic patients. Int J Endocrinol. 2016;2016:1–6.
  10. Lewis J. Frozen shoulder contracture syndrome – Aetiology, diagnosis and management. Man Ther. 2015;20(1):2–9.

Prendre rendez-vous en ligne sur

Dr Charles Agout
Spécialiste de l’épaule et de la main

Dr Paul Commeil
Spécialiste de l’épaule et du coude

Dr Pierre Lavignac
Spécialiste de l’épaule

Prendre rendez-vous en ligne sur

Dr Charles Agout
Spécialiste de l’épaule et de la main

Dr Paul Commeil
Spécialiste de l’épaule et du coude

Dr Pierre Lavignac
Spécialiste de l’épaule